dimanche 13 novembre 2011

"L'aveugle" qui voyait clairement (Jean 9:1-41)

Culte pour une Assemblée Générale d'Eglise: Jean 9.1 à 41:


1 Jésus vit, en passant, un homme aveugle de naissance.
2-3 Ses disciples lui posèrent cette question, Rabbi, qui a péché, cet homme ou ses parents, pour qu'il soit né aveugle? Jésus répondit, Ce n'est pas que lui ou ses parents aient péché; mais c'est afin que les oeuvres de Dieu soient manifestées en lui.
4-5 Il faut que je fasse, tandis qu'il est jour, les oeuvres de celui qui m'a envoyé; la nuit vient, où personne ne peut travailler. Pendant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde.
6-7 Après avoir dit cela, il cracha à terre, et fit de la boue avec sa salive. Puis il appliqua cette boue sur les yeux de l'aveugle, et lui dit, Va, et lave-toi au réservoir de Siloé (nom qui signifie envoyé). Il y alla, se lava, et s'en retourna voyant clair.
8-9 Ses voisins et ceux qui auparavant l'avaient connu comme un mendiant disaient, N'est-ce pas là celui qui se tenait assis et qui mendiait? Les uns disaient, C'est lui. D'autres disaient, Non, mais il lui ressemble. Et lui-même disait, C'est moi.
10 Ils lui dirent donc, Comment tes yeux ont-ils été ouverts?
11 Il répondit, L'Homme qu'on appelle Jésus a fait de la boue, a oint mes yeux, et m'a dit, Va au réservoir de Siloé, et lave-toi. J'y suis allé, je me suis lavé, et j'ai pu voir.
12 Ils lui dirent, Où est cet homme? Il répondit, Je ne sais.
13 Ils menèrent vers les pharisiens celui qui avait été aveugle.
14 Or, c'était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue, et lui avait ouvert les yeux.
15 De nouveau, les pharisiens lui demandèrent comment il avait pu voir. Et il leur dit, Il a appliqué de la boue sur mes yeux, je me suis lavé, et je vois.
16 Sur quoi quelques-uns des pharisiens dirent, Cet homme ne vient pas de Dieu, car il n'observe pas le sabbat. D'autres dirent, Comment un homme pécheur peut-il faire de tels miracles?
17 Et il y eut division parmi eux. Ils dirent encore à l'aveugle, Toi, que dis-tu de lui, sur ce qu'il t'a ouvert les yeux? Il répondit, C'est un prophète.
18-20 Les Juifs ne crurent point qu'il avait été aveugle et qu'il avait pu voir jusqu'à ce qu'ils aient fait venir ses parents. Et ils les interrogèrent, disant, Est-ce là votre fils, que vous dites être né aveugle? Comment donc voit-il maintenant? Ses parents répondirent, Nous savons que c'est notre fils, et qu'il est né aveugle;
21 mais comment il voit maintenant, ou qui lui a ouvert les yeux, c'est ce que nous ne savons. Interrogez-le lui-même, il a de l'âge, il parlera de ce qui le concerne.
22 Ses parents dirent cela parce qu'ils craignaient les Juifs; car les Juifs avaient déjà convenu que, si quelqu'un reconnaissait Jésus pour le Christ, il serait exclu de la synagogue.
23 C'est pourquoi ses parents dirent, Il a de l'âge, interrogez-le lui-même.
24 Les pharisiens appelèrent une seconde fois l'homme qui avait été aveugle, et ils lui dirent, Donne gloire à Dieu; nous savons que cet homme est un pécheur.
25 Il répondit, S'il est un pécheur, je ne sais; je sais une chose, c'est que j'étais aveugle et que maintenant je vois.
26 Ils lui dirent, Que t'a -t-il fait? Comment t'a -t-il ouvert les yeux?
27 Il leur répondit, Je vous l'ai déjà dit, et vous n'avez pas écouté; pourquoi voulez-vous l'entendre encore? Voulez-vous aussi devenir ses disciples?
28 Ils l'injurièrent et dirent, C'est toi qui es son disciple; nous, nous sommes disciples de Moïse.
29 Nous savons que Dieu a parlé à Moïse; mais celui-ci, nous ne savons d'où il est.
30 Cet homme leur répondit, Il est étonnant que vous ne sachiez d'où il est; et cependant il m'a ouvert les yeux.
31 Nous savons que Dieu n'exauce point les pécheurs; mais, si quelqu'un l'honore et fait sa volonté, il l'exauce.
32 Jamais on n'a entendu dire que quelqu'un ait ouvert les yeux d'un aveugle-né.
33 Si cet homme ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire.
34 Ils lui répondirent, Tu es né tout entier dans le péché, et tu nous enseignes! Et ils le chassèrent.
35 Jésus apprit qu'ils l'avaient chassé; et, l'ayant rencontré, il lui dit, Crois-tu au Fils de Dieu?
36 Il répondit, Et qui est-il, Seigneur, afin que je croie en lui?
37 Tu l'as vu, lui dit Jésus, et celui qui te parle, c'est lui. Et il dit, Je crois, Seigneur. Et il l'adora.
39 Puis Jésus dit, Je suis venu dans ce monde pour un jugement, pour que ceux qui ne voient point voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles.
40-41 Quelques pharisiens qui étaient avec lui, ayant entendu ces paroles, lui dirent, Nous aussi, sommes-nous
aveugles? Jésus leur répondit, Si vous étiez aveugles, vous n'auriez pas de péché.
Mais maintenant vous dites, nous voyons. C'est pour cela que votre péché subsiste.

Ephésiens 5 : 8-14
8 Autrefois vous étiez ténèbres, et maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur. Marchez comme des enfants de lumière!
9 Car le fruit de la lumière consiste en toute sorte de bonté, de justice et de vérité.
10 Examinez ce qui est agréable au Seigneur;
11 et ne prenez point part aux oeuvres infructueuses des ténèbres, mais plutôt condamnez-les.
12 Car il est honteux de dire ce qu'ils font en secret;
13 mais tout ce qui est réprouvé apparaît en pleine lumière, car tout ce qui est ainsi manifesté est lumière.
14 C'est pour cela qu'il est dit, Réveille-toi, toi qui dors, Relève-toi d'entre les morts, Et Christ t'éclairera.

Voici un texte parfait avant une assemblée générale. Un récit de lumière, offert à des yeux fermés soudain guéris ;

Nous venons d'entendre un récit de miracle ; l'Evangile de Jean en comporte 7. Au début de l'Evangile, Jésus est annoncé comme la lumière venue dans le monde ( Jean 1) ; Jésus au ch 8 est annoncé comme la lumière du monde, et ce récit raconte la manifestation de cette lumière.

Dieu donne la lumière et des yeux pour voir. A un aveugle mal jugé, considéré comme atteint dans son corps à cause de ses fautes. Il paye pour des vies passées ; Jésus est lumière du monde parce qu'il met en lumière cet homme : il le voit.

Des scribes ne voient pas la souffrance ; ils dissertent sans voir le malade. Il rationalisent, ils cherchent les causes, ils vivent dans le passé, au lieu de chercher des solutions d'avenir. Nous sommes comme l'aveugle, nous tâtonnons dans notre foi, nous avons du mal à être unanimes et solidaires dans notre vision spirituelle. Parfois nous décidons de ne rien décider. Nous donnons à contempler un visage spirituel fermé, nos yeux sont vides. Nous venons au culte pour dire à Dieu notre cécité " spirituelle. Nous aspirons à un Evangile de guérison auprès de Celui qui a dit : " Ce sont les malades qui ont besoin de médecins. " Alors pour nous aussi, voilà l'Evangile : Jésus nous voit dans notre vie maladive ; il vient à nous, sans mépris, sans distance. Puisqu'il va assister cet homme aveugle malmené par la vie et par des scribes. On lui reproche d'être aveugle. Certains rabbins décrétaient qu'un enfant aveugle était puni pour la faute de ses parents ou du fait de sa propre faute commise dans le ventre de sa mère. Autour de Jésus, le débat théologique ne vole pas haut, mais la violence fait rage. On n'est pas très loin d'une croyance en la réincarnation, à la pensée d'une rétribution personnelle pour des fautes commises dans une autre vie. En extrême Orient, des foules pensent que chacun est le fruit de ce qu'il a été dans une vie intérieure ; alors plus de révolte possible contre ses malheurs, puisqu'étant né dans une caste inférieure, paria ou handicapé, c'est pour payer les mauvaises actions de la vie antérieure ; on est en pleine religion des œuvres, du destin et du statut quo. La réincarnation suivante permettra néanmoins de vivre mieux en fonction des mérites actuels, mais pour l'instant c'est la résignation.

Jésus ne relègue pas la gestion des souffrances à un au-delà ; il ne culpabilise pas , il ne cherche pas à expliquer la souffrance. L'Evangile est aux antipodes de des ces religions de la rétribution, de la soumission, de l'acceptation résignée, du destin sans possibilité d'action. Jésus est plus fort que nos peurs d'Occidentaux cartésiens face à l'actualité de la mort, de la souffrance, de la violence. Rien ne peut endiguer notre peur, pas même les superstitions d'aujourd'hui qui en fabriquent de plus grandes, ni la religion des rabbins entourant Jésus.

L'Evangile de Jésus-Christ se rattache au livre de Job, en refusant le lien automatique entre souffrance et faute personnelle.

Un petit détour par l'exégèse nous fera du bien.

Dans notre Bible, la ponctuation nous trompe. Elle n'est pas biblique. Elle remonte aux éditeurs du NT grec, elle est tardive. La numérotation des versets n'est pas biblique non plus: elle date du XVI° siècle.

Au verset 3, Jésus répond clairement à une question : " Non, cet homme n'est pas puni pour sa faute ou celle de ses parents. " Malheureusement, nos Bibles mettent un point virgule au milieu du verset, comme si la suite dépendait de la question qui précède : comme si Dieu avait permis la souffrance de cet homme pour manifester sa puissance. Ce qui est une autre façon de donner une origine (divine ) à la souffrance. Le point virgule n'est pas biblique, ni le numéro 3 du verset.

Jésus ne répond pas à la question-piège des scribes ; il dit " Ce n'est pas que l'aveugle ou ses parents aient péché. " Il n'était pas nécessaire que cet homme soit aveugle pour que Dieu montre sa puissance. Un peu plus loin, par ailleurs, Jésus affirme quelque chose d'autre, sans rapport avec ce qui précède, et l'on comprend cela si l'on supprime le point virgule et le numéro de verset 3.

Jésus ne dit pas pourquoi cet homme est dans la nuit : il va manifester le jour. C'est donc la 2° moitié du verset 3 qui est couplée au verset 4 :

D'une part, Jésus refuse de faire un lien entre le péché de cet homme et son handicap. (versets 2 et 3a ) D'autre part, Jésus dit dans une autre phrase : " Mais afin que soient manifestées en lui les oeuvres de Dieu, il faut que je fasse tant qu'il fait jour les oeuvres de celui qui m'a envoyé. "

La traduction de votre Bible est ici trompeuse, elle laisse entendre que Dieu crée la souffrance pour manifester sa puissance, ce qui serait l'œuvre d'un démon. Alors que la traduction que je vous propose dit que nul ne sait pourquoi cet homme est atteint dans sa santé ; mais par ailleurs, une chose est sûre, c'est que Dieu peut agir, et que Jésus va manifester ces œuvres que Dieu permet.

Au lieu d'accuser ou de se résigner, Jésus affirme qu'il y a toujours quelque à faire, qu'un combat peut être mis en œuvre pour devenir béni et victorieux. L'Evangile est œuvre, grâce cristallisée en réalisations visibles ; on reconnaît l'arbre à ses fruits ; le faux prophète vient en vêtements de brebis mais c'est un loup ravisseur. " disait Jésus. Avant une Assemblée Générale, il est urgent et important de faire mémoire de tout ce que Dieu a permis, évoquer les délivrances, l'impossible devenu possible, l'hallucinante façon qu'a Dieu de tenir ses promesses ; notre désarmante façon parfois d'oublier la reconnaissance devant son grand-œuvre ; comme si cela nous agaçait à la limite que Dieu fasse des miracles, comme si ces miracles entraient concurrence avec notre regard habitué au statu quo. Cet Evangile raconte une superbe histoire de réhabilitation, une délivrance de la culpabilité, une autorité sur le bruit sourd de l'accusation qui divise une communauté spirituelle. Rien d'humain ne peut venir à bout du grincement des scribes et maîtres en traditions de ce récit ; seul Jésus peut réaliser le miracle par excellence qui est de les faire taire ; guérir un aveugle est beaucoup plus facile. La preuve, l'aveugle retrouvera la vue, il deviendra témoin, mais la colère des pharisiens atteindra son comble. C'est à la fin du récit que Jésus accuse frontalement les pharisiens, montrant leur aveuglement.

A la veille de l'assemblée Générale qui est un temps fortement théologique, pour notre communauté, nous pouvons dire comme Jésus : " Il nous faut , travailler, faire les œuvres de celui qui m'a envoyé, tant qu'il fait jour. "

L'important c'est de guérir les malades qui acceptent de l'être, et les libérer d'un entourage qui n'est pas forcément prêt pour leur guérison.

Le vrai miracle de l'Evangile, c'est la visite de Jésus sur le terrain même de l'aveuglement humain. Jésus affronte notre propre insuffisance. Dans ce récit, celui qui est guéri devient intermédiaire entre Jésus et les autres. Le comble du retournement de circonstances, c'est quand l'aveugle devient témoin visionnaire. Celui qui est choisi, qui est sauvé, c'est celui qui vient éclairer les ténèbres d'une lumière qui ne lui appartient pas. D'une lumière qui ne dépend ni de ses mérites ni d'un savoir particulier.

Nous sommes désarmés lorsqu'il s'agit de faire vivre une paroisse. Je suis vulnérable moi aussi comme cet homme de l'évangile aveuglé qui a besoin de guérison, et d'un entourage en ce sens qui vive la même chose. Jésus me délivre du fatalisme, il restaure mon espérance, il ouvre mes yeux, me délivre de la culpabilisation démobilisante. Il m'envoie vers mon avenir, il purifie mes yeux et m'envoie à Siloë, le réservoir bien nommé puisque Siloë veut dire " Envoyé ". Je suis envoyé comme cet aveugle, malgré mon handicap, je suis aimé, reconnu, guéri, envoyé comme témoin, à temps et à contre temps. Comme dans le récit. Pour dire que la souffrance, la bêtise et le sommeil spirituel n'auront pas le dernier mot. Il ne faut pas baisser les bras devant la souffrance, il faut visiter les mourants, il faut refuser que l'actualité ne bascule dans le fatalisme et la normalisation de la violence. Cet aveugle guéri n'a aucun équipement au départ : Il vient éclairer les ténèbres d'une lumière qui ne lui appartient pas. D'une lumière qui ne dépend ni de ses mérites ni d'un savoir particulier. Il dit oui : il accepte d'aller au réservoir sa laver la figure : il répond à la grâce ; il ne se contente pas d'en appeler perpétuellement à la grâce pour mieux justifier sa paresse et sa torpeur spirituelle. Cette obéissance à la parole de Jésus, cette participation personnelle au miracle de sa guérison, c'est sa démarche personnelle, qui est déjà une démarche de foi, de confiance. Ainsi, Jésus guérit, mais il ne guérit pas l'aveugle malgré lui ; celui-ci collabore, participe au miracle de sa guérison, par son obéissance même.

Sa confession de foi n'est pas structurée, il découvre Jésus progressivement : remarquez la superbe pédagogie de l'Evangile; L'ancien aveugle va naître à la foi : après la guérison physique, vient la guérison spirituelle. Car il faut bien constater chez cet homme une évolution spirituelle. Regardons de quelle façon il appelle Jésus ; tout au long du récit, cela évolue, et c'est là le signe d'un changement intérieur : * Un homme appelé Jésus (v. 11) ; * C'est un prophète (v. 17) ; * Cet homme est de Dieu (v. 33) ; * Le Fils de l'homme, le Seigneur (v. 35-38).

Ainsi, après le passage des ténèbres à la lumière au plan physique, vient le passage des ténèbres à la lumière au plan spirituel. Ce qui correspond à l'affirmation de l'apôtre Pierre, dans sa lettre : Dieu nous a appelés à passer des ténèbres à son admirable lumière (1 Pierre 2/9).

A l'inverse, les pharisiens ne veulent rien savoir ; ils se bouchent les yeux ; ils sont victimes de leur propre aveuglement.

Quel accueil ferons-nous à ce récit ? Dirons-nous comme les pharisiens ? " Nous voyons " ? Sommes-nous si assurés que cela de la bonne façon de tenir notre vie et notre Eglise locale ? Ou bien accepterons-nous de confier notre regard au Seigneur de la vie, qui peut encore aujourd'hui poser des signes de relèvement physique et spirituelle sur notre communauté ? Qui fera taire la voix du doute, de la peur, de l'agacement devant ce Dieu vivant ? Notre foi personnelle ! Notre réponse favorable ; notre disponibilité à l'appel de Dieu. Pour cela, il suffit de dire : Je suis aveugle, je suis dépendant, infirme spirituel, mal voyant, mais tu es la lumière, je dépends de toi et toi tu me libères, je peux affronter l'environnement lorsqu'il n'est pas une aide mais un tribunal de moqueurs. Je serai moi aussi témoin dans ce monde. C'est pour dire cette parole de libération que nous sommes envoyés, les malheurs des hommes, c'est comme une occasion de nous surpasser, non pour leur renvoyer ces malheurs au visage, mais comprendre ces malheurs comme un défi qu'il nous faut relever. Nous pouvons relever ce défi comme l'a fait cet homme en butte à l'incompréhension, avec la seule force de l' Esprit Saint ; nous sommes la lumière du monde. Nous cesserons de regarder spontanément en arrière pour évoquer les causes et les responsabilités, nous préférerons un regard illuminé par l'espérance et la reconnaissance. Prions que le Seigneur fasse pour notre paroisse en cette nouvelle année administrative, de son pasteur, de notre conseil presbytéral et des paroissiens, des gens plus engagés, plus volontaristes, plus novateurs, plus solidaires, plus visionnaires, et plus impliqués aux questions essentielles qui se posent à notre Eglise. Attendons-nous à une manifestation de la gloire de Dieu qui nous surprenne. Elargissons notre regard. Amen.

Jean-Christophe Robert, Pasteur

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