lundi 14 novembre 2011

Le Dieu né dans le fumier

Luc 2.7


« Elle le coucha dans une mangeoire à bestiaux car il n’y avait pas de place pour eux dans la maison de ceux qui étaient en voyage ».

Arrivé trop tard, sans jouer des coudes, tout le monde était passé avant Jésus.


Il n’y a plus de place pour Jésus à Noël.

Plus besoin de lui, notre civilisation s’est bâtie sur le refus d’un Dieu proche et présent.

Il ne peut tout simplement pas exister : soit il n’est pas tout puissant, puisqu’il ne supprime pas le mal et la souffrance ; soit il ne veut pas supprimer le mal et la souffrance et alors il n’est pas un Dieu d’amour. La science s’en passe très bien. Nous vivons un athéisme pragmatique : l’enfant Jésus n’intéresse plus grand monde en réalité et l’on préfère se souhaiter d’excellentes fêtes de fin d’année, en oubliant que nous comptons nos années et leur fin à partir du premier Noël.


C’est difficile de croire à Noël pour les adultes.

C’est une offense à l'homme moderne de dire que Dieu s’invite dans notre temps humain ; qu'il confie sa vérité à d’obscurs disciples et à quelques textes bibliques. Comment Noël cette histoire du passé, pourrait revendiquer une valeur éternelle ?


Or justement à Noël, Jésus s’est estimé chez lui chez nous ; même s’ « il n’y avait plus de place dans la maison de ceux qui étaient en voyage ».

Louis de Broglie a écrit : « La plus grande émotion que nous puissions éprouver est l’émotion mystique. C’est le germe de toute science véritable ». (Continu et discontinu, P.98.).

Le véritable esprit scientifique répugne à l’absurde et pressent une signification au monde, même s’il ne peut encore la mettre en équations.


Dieu frappe à notre porte mais c’est plein. Notre cerveau est plein de présupposés sous influence idéologique, il y a trop de certitudes et démonstrations dans notre tête pour que Dieu puisse entrer. Pour beaucoup de théologiens contemporains, Jésus n’est qu’un petit rien ; il ne reste presque rien de lui ou si peu dans les récits des Evangiles. On peut connaître même très bien la Bible et passer à côté de Jésus. On peut être très savant et manquer de sagesse. Si on n’a pas d’abord trouvé Jésus, s’il n’a pas la première place dans notre maison de gens en voyage, alors Jésus se retrouve dans l’étable, à la cave ou au grenier de notre vie.

Dieu alors passe par la porte du cœur : mais là encore c’est complet. Tout est pris, les idoles font leur travail.

Qui a la première place dans notre vie ?

Qui est premier servi ? A qui demandons-nous conseil avant de réfléchir, avant de prier, avant de décider ? Laissons-nous à Jésus notre salle de séjour ou bien le garage ou la cave ?


Jésus n’a pas eu de place, mais pour nous il aura toujours une place.

Jésus s’est souvenu de cette humanité en souffrance. Il a manifesté la toute-puissance de Dieu : il est né à contre-époque, dans l’oubli. Il a dit l’amour de Dieu par toute sa vie. Sur la croix, il est mort pour nos péchés. Il est dans l’écurie, mais il est vivant. Il suffit de le faire remonter. C’est la merveilleuse nouvelle de Noël. Ce n’est pas une histoire paisible d'un beau bébé né à la clinique dans du plexiglass; c’est l’histoire d’un bébé traqué né dans du fumier.

La Bible est le seul message qui donne une attention aux moins que rien.

Le Dieu traîné dans la boue, solidaire de la souffrance et de la violence des hommes.

Il ne s’impose pas, même sali, il demeure le Dieu aimant.


Très vite, Jésus a appris à parler il a dit : « Je me tiens à la porte et je frappe, quiconque entend ma voix et m’ouvre la porte je souperai avec lui et lui avec moi ». Jésus est la Parole de vie.

Fêter pour la première fois peut-être un véritable Noël, une réconciliation, la paix avec Dieu que nous avions tellement rêvée ; la paix en plénitude se transmet sûrement. C'est le plus beau des cadeaux à offrir.

Jean-Christophe Robert

dimanche 13 novembre 2011

prédication sur l'unité des chrétiens donnée à Tours. (Site de la Cathédrale de Tours).

Jean 17 8-11 (8-26). Car je leur ai donné les paroles que tu m'as données; et ils les ont reçues, et ils ont vraiment connu que je
suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m'as envoyé. C'est pour eux que je prie. Je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que tu m'as donnés, parce qu'ils
sont à toi; - ettoutcequiestàmoiestàtoi,etcequiestàtoiestàmoi;-etjesuisglorifiéeneux. Je ne suis plus dans le monde, et ils sont dans le monde, et je vais à toi. Père saint, garde en ton nom
ceux que tu m'as donnés, afin qu'ils soient un comme nous. Lorsque j'étais avec eux dans le monde, je les gardais en ton nom. J'ai gardé ceux que tu m'as donnés, et
aucun d'eux ne s'est perdu, sinon le fils de perdition, afin que l'Écriture fût accomplie. Et maintenant je vais à toi, et je dis ces choses dans le monde, afin qu'ils aient en eux ma joie parfaite. Je leur ai donné ta parole; et le monde les a haïs, parce qu'ils ne sont pas du monde, comme moi je ne
suis pas du monde. Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les préserver du mal. Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde. Sanctifie-les par ta vérité: ta parole est la vérité. Comme tu m'as envoyé dans le monde, je les ai aussi envoyés dans le monde. Et je me sanctifie moi-même pour eux, afin qu'eux aussi soient sanctifiés par la vérité. Ce n'est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu'eux aussi soient
un en nous, pour que le monde croie que tu m'as envoyé. Je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée, afin qu'ils soient un comme nous sommes un, - moi en eux, et toi en moi, -afin qu'ils soient parfaitement un, et que le monde connaisse que tu m'as
envoyé et que tu les as aimés comme tu m'as aimé. Père, je veux que là où je suis ceux que tu m'as donnés soient aussi avec moi, afin qu'ils voient ma gloire,
la gloire que tu m'as donnée, parce que tu m'as aimé avant la fondation du monde. Père juste, le monde ne t'a point connu; mais moi je t'ai connu, et ceux-ci ont connu que tu m'as envoyé. Je leur ai fait connaître ton nom, et je le leur ferai connaître, afin que l'amour dont tu m'as aimé soit en
eux, et que je sois en eux".


PREDICATION:
Après les soldes, c'est la semaine de l'unité. Est-ce que ça ne va durer que 7 jours avant la 2° démarque ?
Après la semaine du blanc, il y a « la semaine de l'unité », où les chrétiens sont unis. Mais l'unité pourtant, c'est normalement toute l'année.
LA PRIERE DE JESUS
En fait, dans cet Evangile Jésus prie son Père pour nous; il ne parle pas tant d'unité que de sanctification; dans ce passage, il prie pour que la vérité s'établisse, que la parole de Dieu soit connue, qu'elle unifie chaque disciple. L'unité est d'abord intime et verticale avec Dieu. Jésus prie pour que ses disciples soient unifiés par Sa Parole, qu'ils fassent d'abord l'unité entre leur croyance, leurs projets, leurs pensées, leurs paroles, et leur action. Le contraire de l'unité, c'est l'éclatement de notre vie.
Jésus voudrait que chacun commence à vivre l'unité en lui-même.
Ceux qui vivent en harmonie avec eux-mêmes n'ont pas peur de la variété. Ils sont les gens les plus tolérants du monde, parce qu'ils sont forts de leur identité marquée.
CRUSTACE OU VERTEBRE ?
D'ailleurs, connaissez-vous la différence entre le crustacé et le vertébré?
Le crustacé donne à connaître la part la plus dure de lui-même. Plus il est dur à l'extérieur, plus il est mou à l'intérieur.
Le vertébré donne à connaître la part la plus sensible de lui-même. Mais il est fort de la résistance intérieure que lui donne son squelette.
La force intérieure du croyant, c'est la prière. C'est une force qui finit par mettre à genoux la puissance.
UNITE ET DIVERSITE ?
L'unification par la brutalité porte une charge totalitaire fortement anti-biblique. C'est Babel lorsque tous les humains doivent parler d'une même langue et ne montrer qu'une seule tête, sous la contrainte.
A l'inverse, Saint-Basile de Césarée écrit poétiquement: « C'est la même eau fraîche et féconde qui tombe sur le champ afin que fleurissent rouge le coquelicot, rose la rose et bleu le bleuet. »
Rechercher l'unité, c'est d'abord demander dans la prière comme Jésus à son Père, que chacun découvre son véritable appel personnel, sa vraie personnalité devant Dieu et dans le monde.
Cela suppose une dose de sensibilité, le sens de l'intuition, l'écoute de l'Esprit promis à chacun.
Dès que cet appel devient clair en nous, alors nous devenons capables d'aller rencontrer d'autres Eglises, et voir en elles l'oeuvre de Dieu. Alors l'unité peut-elle progresser.
Car chaque Eglise peut en équilibrer une autre. Lui éviter de tomber vers là où elle penche.
Le Catholicisme a beaucoup reçu des protestants, le Concile de Trente qui a suivi la Réforme a sans doute sauvé l'Eglise romaine.
A l'inverse, les protestants découvrent dans l'Eglise romaine le socle sur lequel s'assoit leur propre tradition. Ils ne peuvent se définir sans elle. Elle est de fait leur famille spirituelle. Ils apprennent d'elle le sens de l'Eglise. Nous sommes donc tous interdépendants, tous en unité, sans toujours le savoir, le rechercher ou le vouloir.
Loin d'être une homogénéisation, l'unité est un appel à découvrir chez l'autre les fruits de la prière de Jésus pour ses disciples. Chaque tradition a reçu une grâce. Quelle joie ! Partons à la recherche des fruits de la prière du Christ !
Que nos Eglises célèbrent la louange joyeuse, qu'elles donnent envie de croire, par leur humour, leur diversité, leur reconnaissance mutuelle, leur prière engagée dans le monde !
L'unité n' est que l'une des demandes de Jésus. Parmi beaucoup d'autres.
LE TESTAMENT DU CHRIST: IL NOUS DELIVRE DU MAL.
Notre Evangile est en réalité un testament: Jésus « va être glorifié », c'est à dire qu'il va mourir. Il va être séparé des siens, comme Jésus avait été séparé du Père. Il va donner sa vie pour nous, pour vaincre le Diviseur. Jésus va prendre du recul, un peu comme des parents qui laissent leurs enfants prendre le relai. Les disciples vont prendre la suite. Jésus prie pour eux, pour son Eglise.
Jésus promet son Esprit Saint, sa parole sera encore connue. La victoire sera définitive.
Le plus important n'est pas l'unité. Car c'est un fruit. L'important c'est l'arbre qui porte ce fruit, et c'est la promesse de Jésus, tout près de nous qui croyons en lui. Il nous garde d'oublier sa Parole.
Il ne veut pas nous enlever du monde mais nous préserver du Mal.
« Délivre-nous du Mal » disons-nous dans le Notre Père. Le danger pour la foi, ce n'est pas de vivre une vie laïque normale dans le monde. Non, le danger, c'est l'Adversaire, le Satan, le diviseur qui voudrait nous faire désespérer de la Parole de Dieu, et les uns des autres. Le danger serait de douter de la puissance de Dieu.
Or, nous sommes équipés. Jésus a remporté la victoire. Il suffit de puiser en lui notre témoignage. Il ne s'agit pas tant de rechercher l'unité entre nous par la force, par des rapprochements laborieux, ou pire encore pour répondre à des invectives d'unité, il s'agit surtout de nous rapprocher du Christ.
NOUS RAPPROCHER DU CHRIST
Que veut dire « nous rapprocher du Christ » ? C'est chercher l'unité du Christ comme chemin de sanctification c'est accueillir le Christ au centre de nos vies, qu'il soit désormais notre force intérieure pour tenir debout, notre inspiration pour parler et agir; pour que nous puissions aimer Dieu de tout notre coeur dans toutes les composantes de notre être. Prier en début de journée, lui confier le fardeau du jour, à Lui qui a dit: « Venez à moi vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. » Lui remettre toutes choses, accepter de ne se laisser conduire que par Lui, trouver la force en Lui pour faire face.
Seuls les poissons morts nagent dans le sens du courant. Mais les poissons vivants remontent vers la source. Et la source, pour nous c'est Jésus-Christ. Cette unité au Christ nous unifie en nous-mêmes, et nous permet ensuite d'accepter nos différences.
Aimer notre prochain comme soi-même, ce sera voir en l'autre le prochain ce sauvé possible, ce grâcié en devenir que nous avons été nous-mêmes un jour, cet être lui aussi appelé par le Christ, au bénéfice de son oeuvre de réhabilitation. Nous pouvons être dans la joie devant la diversité, plutôt qu' effondrés de nos divisions. Pour cela, nous devrons accepter de suivre Jésus dans l'abandon de notre vie. Il a donné sa vie en notre faveur. Qu'avons-nous à lui offrir en retour?
L'EGLISE N'EST PAS UN BUT MAIS UN MOYEN POUR TEMOIGNER
Dans l'Evangile de ce soir, l'Eglise n'est pas un but mais un moyen: témoigner au monde « pour que le monde croie ».
Jésus n'a pas voulu l'unité en soi. Il a dit: « qu'ils soient un EN NOUS, afin que le monde croie QUE TU M'AS ENVOYE. L'unité se reçoit du témoignage au Christ venu parmi les hommes.
L'unité de l' Eglise n'a donc rien à voir avec exercice fastidieux, ni un esprit de clan « oecuméniste », ou bien avec l'appartenance servile à un cercle d'obéissance muette.
L'unité est d'abord verticale: elle est reçue d'en haut par la prière. Cette unité est puisée dans la complicité entre le Père et le Fils. La vérité sort de cette présence recherchée au seuil de nos journées, dans le discernement demandé, dans la communion au Père et au Fils. L'unité nous est donnée en vue d'un service, l'annonce de la Parole dans le monde sans être du monde.
Jésus prie pour nous. Et nous allons lui demander la réponse. Que chacun découvre sa véritable vocation. En vue d'un témoignage.
Expérimentons la liberté de témoigner. C'est une chance d'être libres de le faire dans un pays démocratique qui nous en laisse la possibilité. A deux heures d'avion, dans la patrie de Saint-Augustin, des gens sont persécutés pour avoir découvert et rejoint le christianisme. Leurs familles sont inquiétées, parfois menacées, l' intimidation et la persécution sont fréquentes. Quelle chance d'être libres ici ! Le monde qui nous entoure a soif de la vérité. Nous pouvons prêcher cette parole dans le monde, qui ne doit pas nous faire peur.
Jésus cite 17 fois le mot « monde » dans ce passage de Jean 17.
Quand Jésus nous envoie vers le monde, il pense au monde au travers de nous. Nous n'avons pas tant à chercher l'unité qu'à nous rapprocher du Christ et à témoigner ensemble de Lui. L'unité viendra à son contact. Au contact du Christ et au contact du monde. Qu'il vienne unifier nos vies et tout le reste nous sera donné. Qu'il fasse de nous non pas des crustacés mais des vertébrés, forts intérieurement et sensibles à ce qui nous entoure ! Pour témoigner de l'unité promise en Jésus-Christ.
Jean-Christophe Robert Eglise St Paul du Sanitas 22 01 09.

Le pardon: deuxieme partie

Le pardon 2 : entre mémoire et oubli : se relever


Bonjour.

Le Notre Père évoque le pardon au cœur de son message.

En ce dimanche de début d'été, je vous propose de poursuivre notre approche du pardon. Dans le calme de ce matin, ce thème du pardon nous invite à revisiter les souvenirs que nous portons tous.

Dimanche dernier, nous avons évoqué la source du pardon. Le pardon nous est offert par Dieu, qui nous invite ensuite à le transmettre, par un témoignage de libération en cascade. Aujourd'hui, nous allons parler de son cheminement au plus profond de la conscience, sans escamoter les étapes et les élucidations nécessaires.

Bien sûr, le pardon est une notion délicate. Ce thème, qui rejoint nos vies, peut générer parfois des réactions passionnelles. Le pardon peut être compris comme un discours poussant à l'oubli, à l'insouciance voire l'inconscience. Comment intégrer la notion de pardon, lorsque l'on a été blessé dans son passé ?

Mais ça n'est pas facile ! Tant de questions se posent à nous ! Comment trouver la force de pardonner ? Comment pardonner sans oublier ?

Puisque celui qui oublie l'histoire est forcément condamné à la voir se reproduire. Celui qui plaisante avec l'histoire ou la détourne à des fins personnelles, d'une façon négationniste, retombe dans le piège de sa propre violence.

Comment échapper à cet enchainement de la haine, comment ne pas être victime de cette histoire répétitive, qui oscille entre vengeance et amnésie ? Faut-il alors accepter la distance hypocrite de ceux qui affirment « ne pas juger », lorsque cela protège leur quiétude mondaine ?

Mais alors, d'où vient cette capacité à pardonner que l'on observe chez certaines personnes ? Elles ont su vivre en paix avec l'offense dont elles furent victimes. Quel est le secret de ce pardon qui fait revivre ? Certains parviennent à enrayer la brutalité humaine, par cette forte non-violence du pardon.

Je vous invite à la prière Merci, mon Dieu, pour ce matin tout neuf. C'est une histoire neuve, une page blanche à écrire. Avec toi, tout est possible. Viens me parler ce matin. Je te cherche. Jésus a dit: Qui cherche trouve, on ouvre à celui qui frappe. Eh bien ! Moi je frappe à la porte, je demande un signe.


Jésus, tu as dit : "Je me tiens à la porte et je frappe quiconque entend ma voix et m'ouvre la porte, je souperai avec lui et lui avec moi".

Viens me rencontrer. Nous sommes tous les deux, de part et d'autre, à frapper à la même porte. Que la foi me conduise à la rencontre avec toi. Que ton Esprit me parle. Que mon intelligence s'éveille, et mon cœur s'ouvre à toi, à ta pensée, à ta parole.

Gloire, honneur et louange à toi, Eternel mon Dieu. Amen.


Je vous propose d'entendre deux témoignages de personnes qui ont pardonné après les plus terribles des traumatismes qui soient. Deux femmes, l'une vietnamienne, Phan Thi Kim Phuc, grièvement brûlée au napalm lors d'un bombardement américain, l'autre Corrie Ten Boom, hollandaise engagée dans la résistance, déportée à Ravensbrück, puis reconnue comme « juste parmi les nations » par Yad Vashem, finalement engagée contre la guerre au Vietnam.

Toutes deux ont connu dans leur chair les brûlures de l'histoire, Phan Thi Kim Phuc ayant failli succomber à ses blessures, Corrie Ten Boom ayant perdu en captivité son père et sa sœur.

Toutes deux ont su convertir la violence dont elles furent victimes en réconciliation. Leurs engagements témoignent d'une vie spirituelle exemplaire, soutenue par le souffle de l'Evangile du pardon.

L’image emblématique de Phan Thi Kim Phuc, grièvement brûlée, fuyant sa maison passée au Napalm le 8 juin 1972, a sans doute fait basculer le cours de la guerre.

Le photographe Nick Ut a reçu pour son audace et son savoir-faire le Prix Pulitzer, bien que Richard Nixon ait qualifié la photo d'éventuel « trucage » lors sa publication.

L'opinion américaine est retournée par cette photo-choc, malgré les commentaires du président qui la représente.

C'est ce même photographe qui sauve Phan Thi Kim à quelques heures près, la faisant soigner à Saïgon ; plus d'un an de soins médicaux et chirurgicaux la font échapper à la mort, mais les blessures psychologiques et physiques la taraudent. Kim regagne son village deux ans après son traumatisme. Mais les communistes lui interdisent la poursuite de ses études de Médecine, à des fins de propagande anti-américaine.

Elle étudie à Cuba, puis obtient l'asile politique au Canada, et devient ambassadrice de l'UNESCO. Elle découvre alors la foi chrétienne, devient protestante évangélique baptiste. Elle a décidé, un jour, de pardonner. Kim Phuc a exprimé son pardon lors d'une cérémonie commémorative de la guerre du Vietnam, à Washington, devant des vétérans; elle a expliqué que si elle se trouvait face au pilote qui avait lancé la bombe, elle lui dirait "qu'on ne peut pas changer l'histoire, mais qu'on peut au moins essayer de faire de notre mieux pour promouvoir la paix".

Or, il y avait parmi eux John Plummer, un de ceux qui coordonnaient le bombardement de Trang Bang. Il a osé aller vers elle : elle lui a ouvert les bras !

C'est ce pardon qui permet à Kim Phuc d'en finir avec son destin de "victime". Elle prend ainsi l'ascendant sur son agresseur. Elle l'invite ensuite à l'élévation, car elle lui offre une opportunité d'exprimer ses regrets ou tout au moins son malaise.

Seule l'élucidation courageuse peut donc venir à bout de la puissance mortifère du mal. Il faut pour cela un fort esprit de responsabilité, doublé d'une profonde humilité, sans chercher

d'illusoires justifications. Il faut a minima l'expression d'un regret.

Cette repentance de la « partie adverse » opère une profonde guérison mutuelle. Par la demande tacite ou explicite de pardon, une guérison est initiée, le processus de pardon s'enclenche et s'accélère d'autant.


Sans la décision première de pardonner, la victime serait restée liée ; mais il y a en plus dans ce témoignage une rencontre inespérée, où le respect et le regret sont au moins suggérés. La victime se découvre déliée en vérité, et puise d'autant à la source de sa résilience. Par la foi, les cauchemars de son passé sont résolument déposés à un Autre, qui seul peut les porter, les assumer avec elle, en dépit de leurs irrémédiables conséquences.

C'est donc un pardon difficile, qui ne doit pas chercher à refouler des réminiscences terribles, avec le chagrin et la confusion qui les accompagnent inévitablement, puisque le mal est fait. Il s'agit rien moins que de tenter de les dépasser. Pour sortir du destin de « victime ». Et retrouver la paix.


Un autre exemple de double résilience, passant par une vraie reconnaissance des torts, est celui de Corrie Ten Boom. Cette femme protestante pratiquante protégeait des Juifs pendant la guerre ; elle fut dénoncée par un proche en qui elle avait mis toute sa confiance. Elle perdit sa sœur, son frère, et son père.

Après la guerre, un jugement eut lieu et le délateur fut retrouvé, jugé, et incarcéré. Corrie put, grâce à ce jugement de justice, le rejoindre et lui écrire : "Votre dénonciation a été cause de la mort de mon père octogénaire, de mon frère et de son fils, ainsi que de l’emprisonnement de ma sœur, morte dans un camp d’extermination. J’en ai beaucoup souffert, mais je vous ai tout pardonné en souvenir du pardon et de l’amour de Jésus pour moi. Il est entré dans ma vie et entrera aussi dans la vôtre, si vous lui confessez vos péchés. Sur la croix du calvaire, il a payé votre dette et la mienne." Plus tard, celui qui l'avait trahie lui a finalement fait dire : "J’ai prié : Jésus, si tu peux mettre dans le cœur de tes disciples un tel amour pour leur ennemi, il y a un espoir pour moi. Je lui ai confessé mes fautes, et je sais qu’il m’a pardonné."


Lecture biblique


Approchons-nous à notre tour de cette parole de Jésus, telle qu'on peut la lire dans l'Evangile de Matthieu au chapitre 5, aux versets 21-24 :

Jésus dit : « Vous avez entendu qu'il a été dit aux anciens; Tu ne tueras point; celui qui tuera mérite d'être puni par les juges. Mais moi je vous dis que quiconque se met en colère contre son frère mérite d'être puni par les juges; (...) que celui qui lui dira «tu es une nullité !» mérite d'être puni par le feu de la Géhenne. Si donc tu présentes ton offrande à l'autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse-là ton offrande devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère; puis, viens présenter ton offrande. »

Voilà comment je comprends ce texte. La prière à Dieu éveille la conscience et ravive la mémoire. On ne peut prier Dieu sans penser à celui ou celle que l'on a éventuellement outragé. Je repère une transition dans ce passage, et c'est le mot « donc ». Par ce mot, le rédacteur de l'Evangile montre le lien entre la colère ou le mépris d'une part, et la nécessité de revenir sur la rupture de relation, d'autre part, si l'on prétend approcher Dieu dans une prière convenable. Car Dieu semble ne pas vouloir de réconciliation pour Lui seul. Il est solidaire en Jésus-Christ de tous ceux dont le nom est jeté à terre. Matthieu rappelle la force de mort que portent parfois les mots. Le « donc » de l'exhortation à la repentance lie ce passage au précédent, à la parole abusive du faux témoignage, qui tue la mémoire d'un homme et peut parfois le mettre à mort. La réconciliation est donc une urgence, en effet. Car il y a risque vital sur un homme diffamé. On peut tuer quelqu'un avec quelques mots « innocents ». C'est ce qu'annonce Matthieu. Pour notre avertissement.


En effet, une injustice, une blessure, un affront, peuvent lier tant la victime que l'auteur. La victime ne parvient pas à offrir son pardon, parce que rien n'est réglé selon la vérité, ou parce qu'elle est encore trop faible. Si la victime se tait, on dira qu'elle avait tort, car « il n'y a pas de fumée sans feu ». Et si elle répond, on dira qu'elle cherche à se justifier. Elle est donc seule, livrée à elle-même, liée par une blessure dont elle ne sait comment se défaire. C'est comme la lèpre de Job frappé par la parole de ses faux « amis », qui s'acharnent à le culpabiliser sur sa situation, à grand renfort de théologie scabreuse. La personne ainsi blessée et liée n'a d'autre recours que de faire toute seule le chemin difficile d'un pardon à sens unique. Et son agresseur est lui aussi lié par son injustice, il le sait fort bien ; la lumière de sa conscience se charge de le lui rappeler. Par son silence, par son refus de reconnaître ses torts, son agresseur fait peser le poids d'un lien supplémentaire. Pour délier ce lien, il faudra une grande capacité à pardonner, un temps supplémentaire de deuil dans la relation, et une énorme énergie gaspillée. Et si cette personne blessée n'y arrive pas, elle reste enfermée dans son amertume, c'est donc son agresseur qui l'y maintient. Elle est liée par lui. Job parviendra à délivrer ses amis en intercédant pour eux. Dès qu'il parvient à pardonner, sa santé lui revient. Mais parfois, les regrets ne viendront jamais. Il faut alors prendre son courage à deux mains, et décider de pardonner en premier. Dans l'idéal, cette attitude unilatérale appelle une indispensable réponse mémorable, sans laquelle le pardon peut devenir un oubli à bon compte. Mais il faut réaliser que parfois, les regrets ne viendront pas. Et que l'injustice sera toujours un paramètre avec lequel la vie future devra composer.


Desmond Tutu raconte le dialogue de trois militaires américains devant le monument aux morts de la guerre du Vietnam. L'un demande: « Avez-vous pardonné à ceux qui furent vos geôliers ? ». L'un d'entre eux répond : « Jamais je ne pardonnerai » et l'autre lui dit : « Alors tu es toujours son prisonnier».

Le pardon délie la victime de l'outrage qui lui a été fait. Ce pardon peut donc commencer unilatéralement. Même si la personne en face n'assume pas les faits. Donner l'exemple d'un pardon unilatéral, ce n'est pas être faible. Il faut être devenu fort pour pardonner, il faut tout le temps nécessaire. Mais la victime est la première bénéficiaire de ce pardon qui la délivre de son obsession. Il y va de sa santé mentale, c'est en premier lieu pour elle, qu'elle pardonne.

La mémoire, c'est l'antidote à l'oubli. Dieu est amour mais aussi justice. Il n'y a pas de paix durable sans la justice, sans la mémoire. L'amour de Dieu s'exprime aussi dans sa justice. Et sa justice sait aussi se faire aimante. Il n'y a donc pas de réconciliation en plénitude sans vérité, mais il n'y a pas non plus de réconciliation sans pardon.

Le pardon semble une injustice, parce qu'il accepte que la faute soit impunie, et que l'offenseur n'exprime pas forcément de regrets. Mais le pardon stoppe l'enchaînement de la violence.

Jésus sur la croix a prié pour le pardon de ceux qui l'ont crucifié. Jésus dit : Pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu'ils font. Il n'a pas dit : « Excuse-les, car ils

n'ont pas fait exprès, ils étaient en tous cas sincères. ». Car la croix était une injustice, mais cela n'a pas empêché Jésus de demander que Dieu pardonne malgré les crachats, l'humiliation, et la souffrance de cette injustice même.

Le pardon unilatéral est donc une première issue possible, il réclame du temps. Mais il n'est sûrement pas un oubli. Le pardon nous invite au contraire à l'esprit de responsabilité.


Bien sûr, nous n'avons pas toujours conscience d'avoir blessé les autres, et il est alors difficile d'aller demander pardon. Parfois notre conscience nous rappelle que nous n'avons pas été corrects, envers Dieu ou envers quelqu'un, mais nous manquons de courage et cela nous poursuit.

Alors je vous invite à faire vôtre cette demande de pardon adressée à Dieu, que nous lisons au Psaume 32, texte d'aveu et texte de louange tout à la fois : Heureux celui à qui la transgression est remise, A qui le péché est pardonné ! Heureux l'homme à qui l'Éternel n'impute pas d'iniquité, Et dans l'esprit duquel il n'y a point de fraude !

Tant que je me suis tu, mes os se consumaient, Je gémissais toute la journée; Car nuit et jour ta main s'appesantissait sur moi, Ma vigueur n'était plus que sécheresse, comme celle de l'été. Je t'ai fait connaître mon péché, je n'ai pas caché mon iniquité; J'ai dit: J'avouerai mes transgressions à l'Éternel! Et tu as effacé la peine de mon péché. Tu es un asile pour moi, tu me garantis de la détresse, Tu m'entoures de chants de délivrance. Je t'instruirai et te montrerai la voie que tu dois suivre; Je te conseillerai, j'aurai le regard sur toi. Ne soyez pas comme un cheval ou un mulet sans intelligence; On les bride avec un frein et un mors, dont on les pare, Afin qu'ils ne s'approchent point de toi. Beaucoup de douleurs sont la part du méchant, Mais celui qui se confie en l'Éternel est environné de sa grâce. Justes, réjouissez-vous en l'Éternel et soyez dans l'allégresse! Poussez des cris de joie, vous tous qui êtes droits de cœur!


Pour l'auteur de ce psaume, rien ne sert de refouler la culpabilité, puisqu'elle revient en force. Trois milles ans avant la psychanalyse, l'auteur avoue: « Tant que je me taisais, mon corps se consumait. » C'est pourquoi, si nous prenons conscience du mal que nous avons pu faire à quelqu'un, il est urgent de lui parler en laissant sur place l'offrande de notre vie spirituelle.

« Pose là ton offrande, disait Jésus dans l'Evangile, et va te réconcilier avec ton frère ». Mais parfois nous avons conscience d'une offense contre quelqu'un, mais nous cherchons encore à nous justifier. En faisant la liste des défauts chez l'autre, au lieu de signifier des regrets très simplement. Il est facile alors de dire que « les torts sont partagés », pour s'éviter la prise de conscience des torts qui sont les nôtres, et qui sont parfois sans commune mesure. On peut encore décider aussi de ne rien décider, misant sur l'inertie de la passivité, sur « le temps qui fera son œuvre. » comme disent les gens. Mais nous prenons le risque de laisser une blessure ouverte, qui mettra des années à se fermer dans la poussière des ans, après s'être enkystée. Mais heureusement, un pardon pleinement abouti, avec demande et acceptation des regrets, peut aussi s'opérer. Ce sera au prix d'une élucidation, d'une véritable repentance qui passe par un changement d'attitude publique de la part d'un agresseur qui a fait connaître ses regrets et aide à la réhabilitation de sa victime par ses propos et ses actes. Cela suppose de revenir sur les dégâts, de revisiter l'entourage de la victime qui a dû entendre des propos diffamatoires, et mettre en œuvre une réparation. Sans cette repentance, le pardon risque de n'être qu'un pansement sur un abcès. Un jour, peut-être que l'abcès non-traité finira par guérir, mais que de temps perdu en injustice enkystée ! Il aurait été si simple de demander pardon sans tarder, comme lorsque l'on marche sur les pieds de quelqu'un dans le métro. Il ne viendrait à personne l'idée de rester sur le pied que l'on écrase en disant: « Pardonnez-moi ! » C'est pourtant ce que font beaucoup de chrétiens lorsqu'ils en restent à la première étape d'un pardon unilatéral, extorqué à la victime sans élucidation ni changement d'attitude. Or, seule cette élucidation transforme le remords en repentance.


Dans l'Evangile, on raconte l'histoire de deux hommes coupables d'avoir trahi Jésus. Le risque si l'on ne demande pas pardon, c'est de transformer la culpabilité en remords. Le remords est un lien, alors que la repentance est une délivrance. Jésus a le pouvoir de délivrance du mal et le pouvoir de pardonner. Judas est allé vers les prêtres pour confier son remords ; c'est ce qui l'a conduit au désespoir. S'il avait été vers Jésus pour confier sa repentance, il se serait tourné vers la source de vie, comme Pierre qui a su le faire pour lui-même, et rebondir vers son avenir. Les agresseurs des deux femmes, dont l'histoire vient d’être racontée, ont fait ce travail de retour sur eux-mêmes : par leur courage, leur quête de relations ressuscitées, ils ont donné sens au pardon. Avaient-ils besoin de demander pardon pour l'être ? Non puisque leurs victimes avaient déjà fait le premier pas. Mais en demandant publiquement pardon, ils ont fait un travail de délivrance de soi et de l'autre, une aventure à la gloire de Dieu. C'est pourquoi je vous invite à confesser la foi chrétienne : « Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qu'il a appelés selon Son dessein. »


Dans le Notre Père, Jésus nous invite à puiser en Dieu la source du pardon. Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés.

Ce pardon est d'autant plus reçu qu'il se partage. On devrait traduire : « Remets-nous nos dettes, comme nous les remettons ensuite à notre tour ». C'est-à-dire donne-nous des forces neuves pour guérir de nos souvenirs.

Délivre-nous de la morbidité des scrupules qui rongent. Mets-nous au large, remets-nous nos dettes. Renvoie-nous libres, pour remettre leurs dettes à ceux qui nous doivent. J'accepte de vivre en paix avec l'offense dont j'ai été victime, car toi, mon Dieu, tu as bien voulu d'abord faire la paix avec moi par Jésus Christ bouc émissaire.

Mon Dieu, je ne peux pas bâtir un avenir sur des haines du passé. Je décide de pardonner, car j'ai un devoir envers ceux qui me suivent, autant qu'envers ceux qui m'ont précédé.

Prière

Je vous invite à prier :

Notre Père, qui es aux cieux ! Que ton nom soit sanctifié que ton règne vienne que ta volonté soit faite

sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien.

Pardonne-nous nos offenses, Comme, nous aussi, nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du malin. Car c'est à toi qu'appartiennent, dans tous les siècles, le règne, la puissance et la gloire. Amen !


Que le Dieu de paix touche votre cœur, et que vous sachiez qu'au fond de vous, vous avez vous aussi besoin de pardonner. Que Dieu vous bénisse et vous garde, qu'il vous donne le courage et la puissance d'obéir à sa parole de paix. Qu'il vous donne de bénir ceux qui vous ont fait du mal, quelle que soit la souffrance que vous avez endurée. Qu'il vous donne le courage d'aller revoir ceux que vous avez offensés. Au moins faire un geste ; tendre une main. Aimez-vous les uns aux autres, c'est-à-dire, parlez-vous les uns aux autres. Au nom de Jésus, nom puissant, victoire contre le mal, Lui qui a vaincu la haine sur la croix et s'est remis debout, premier né d'entre les morts.



Le pardon: premiere partie


Bonjour, ce matin, j'avais envie de vous parler du pardon ; je me lance, le thème est difficile. Plusieurs portent en eux des souvenirs pénibles, parfois même des détresses, des culpabilités réelles ou bien imaginaires, vous savez, ces culpabilisations, ces fautes prétendues, qu'il faudrait endosser. Cela vous est peut-être arrivé à vous !

Tant de blessures mystérieuses et ténébreuses sont cachées dans les sinuosités de nous-mêmes !

Elles nous meurtrissent au quotidien, dans le sentiment diffus pour certains, d'avoir été abusés, manipulés, harcelés ou diffamés : Celui qui traite son frère de nullité, disait Jésus, mérite le tribunal. (Mt 5, 22).

Combien, parmi nous, sont meurtris par une vexation, un affront, une injustice, provoquant en profondeur le trouble d'une blessure inqualifiable ? Et ce désir incontrôlable de justice réparatrice qui surgit parfois en retour ! Comment sortir de ce venin de la rancune, qui nous isole de l'agresseur comme dans un hygiaphone, nous maintenant à distance ? Alors même que la blessure nous rend captif tant que le pardon n'est pas réalisé ?

Parfois ce sont des culpabilités bien réelles, nous portons le poids d'un pardon jamais demandé pour des fautes ou des erreurs que nous regrettons sans oser les affronter en face.

Mais comment parvenir à sortir de cet enfermement ? Comment oser demander pardon sans se sentir fragilisé ? Comment sortir de cette «logique de guerre » qui régit notre monde depuis la nuit des temps ?

Par le pardon. Nous allons voir comment l'Evangile raconte ce pardon comme un message central qui donne au christianisme sa marque unique.

Or le fondement de ce pardon se trouve dans le judaïsme, ce que beaucoup de gens ignorent. Plusieurs pensent que la religion de la Loi et seulement la Loi, c'est l'Ancien Testament ; et la religion de l'amour, c'est le christianisme. Grave erreur, source d'antisémitisme.

Dans la Bible, le psaume 51 du Premier Testament Juif, désigne la source du pardon en Dieu. Cette douceur de Dieu qui écoute le priant, c'est le judaïsme qui nous l'a dite le premier, il précède les chrétiens sur ce terrain du pardon. On écoute ce psaume 51 «Coeur pur» chanté par Israël dans sa prière traditionnelle.

C'est le Psaume 51:

O Dieu! Aie pitié de moi dans ta bonté ; selon ta grande miséricorde, efface mes transgressions; Lave-moi complètement de mon iniquité, et purifie-moi de mon péché. Car je reconnais mes transgressions, et mon péché est constamment devant moi. J'ai péché contre toi seul, et j'ai fait ce qui est mal à tes yeux, en sorte que tu seras juste dans ta sentence, Sans reproche dans ton jugement. (...)

O Dieu ! Crée en moi un cœur pur, Renouvelle en moi un esprit bien disposé. Ne me rejette pas loin de ta face, Ne me retire pas ton esprit saint. Rends-moi la joie de ton salut, et qu'un esprit de bonne volonté me soutienne! J'enseignerai tes voies à ceux qui les transgressent, et les pécheurs reviendront à toi. O Dieu, Dieu de mon salut ! Délivre-moi du sang versé, et ma langue célébrera ta miséricorde. Seigneur ! Ouvre mes lèvres, et ma bouche publiera ta louange.

Ce psaume célèbre Dieu malgré les faux pas. Le péché, ce n'est pas tant de tomber que de rester à terre. Et ce jour-là, David s'était relevé de ce qui hantait sa mémoire. Mais il y a tant de malentendus au sujet du pardon ! Le pardon, c'est une force dans la vie: savoir que Dieu nous aime et nous accepte malgré nos travers, cela booste la vie. Mais, pour beaucoup de gens, le pardon, c'est une faiblesse.

Comme s'il fallait apprendre à tendre l'autre joue bêtement. Un journaliste ironisait sur Jésus qui tend l'autre joue, en écrivant: « Si on te vole ta voiture, pense avant à faire le plein d'essence ! ». Comme s'il fallait devenir doucereux, mièvre, et amnésique face à l'inacceptable, comme si Jésus faisait de nous des petits anges décérébrés, incapables de décrypter les enjeux de l'histoire avec leurs jeux de pouvoir. Comme si pardonner, c'était devenir forcément faible et se fragiliser.

Je pense plutôt que le pardon, c'est justement ce qui manque à l'actualité du monde. Peut-être parce que nous sommes marqués par des siècles de religiosité qui ont véhiculé un marchandage entre l'homme et Dieu, entre un homme empêtré dans ses culpabilités, et un Dieu considéré comme « vengeur ».

Jésus montre des pistes très intéressantes et actuelles sur le pardon, directement exploitables pour nos vies parfois malmenées. Dans les Evangiles, il affronte cette question. Il désamorce la vengeance, la soif de rétribution. Il fait du christianisme la religion du pardon. La marque de la foi chrétienne, ce devrait être justement cette maîtrise du pardon. Nous sommes hélas loin du compte.

Théodore Monod était bien conscient des travers historiques de son Eglise, lorsque ce fils de pasteur disait avec un brin de provocation, en exagérant un peu : « Le Christianisme n'a pas échoué, il n'a encore jamais été essayé ». Il avait peut-être raison, notamment pour ce qui est du pardon ! Ce pardon, c'est ce qui manque parfois aux chrétiens, tout comme aux diverses religions, d'ailleurs. Je préférerais que notre monde soit moins religieux et plus spirituel. Le pardon nous ouvre un chemin pour cela. Essayons de voir ce qui, dans la vie de Jésus, exprime ce pardon.

Nous chantons le psaume 23 « Dieu mon berger me conduit et me garde » j'entends sa voix...


Ce psaume 23, est un traditionnel protestant, dont les paroles juives célèbrent le Dieu berger. Jésus connaissait par cœur ce psaume, avec une autre musique bien sûr. Dieu est Celui qui garde, même dans la vallée de l'ombre de la mort. Cette vallée d'ombre se rappelle à nous si souvent, sous forme de souvenir fétide, ou de crainte de l'avenir.

Mais Dieu est un berger qui sait, conduit et garde. Pour pardonner, il faut peut-être accepter d'être accepté par cette main invisible qui peut nous rejoindre. Accepter d'être conduit tel que l'on est.


S'abandonner dans un « lâcher-prise », comme on dit aujourd'hui, mais pas n'importe lequel: lâcher- prise pour se laisser porter et reprendre, relever, et diriger par cet Autre dont nous pressentons la main tendue.

Je vous invite à vous laisser aller à la prière. Lâchez-prise ! Seigneur mon Dieu, il y a dans ma vie non pas seulement des erreurs ou des fautes, mais avant tout le sentiment diffus d'être à distance de toi.

Eternel, mon Dieu, tu es le Dieu Un, et moi je suis divisé, traversé, enclin au mal. Il y a un tel écart entre ta volonté et ma vie. Je suis un être partagé, clivé. Je ne suis pas en adéquation avec ma personnalité la plus profonde.

Pardon d'avoir eu peur de toi, de m'être coupé des sources de ma vie. Pardon d'avoir trop écouté l'entourage, d'avoir dépendu de son regard, plutôt que du tien pour me trouver.

Merci parce que je suis accepté par un plus grand que moi, et c'est Toi. J'accepte d'être accepté par Toi. Je m'en remets totalement à ton projet, à devenir ce que je suis dans Tes yeux, par anticipation.

Apprends-moi désormais à écouter cette intuition qui suggère ta pensée d'éternité / au plus profond de moi. Apprends-moi le silence qui écoute le souffle ténu de ton Esprit, et le courage qui met en œuvre le rugissement du souffle de Pentecôte.

Garde-moi de fuir l'appel profond de ma personnalité que toi seul a créée, et délivre-moi de ceux qui pourraient la détruire. Pardonne ma peur de Ton règne sur moi, règne de délivrance et de sagesse. Délivre-moi du prix des fausses-routes. Et je voudrais aussi te dire mes regrets de t'avoir offensé en doutant de ta Parole.

Je ne viens pas chercher des excuses, je viens te dire que je suis responsable et que je cherche ton pardon.

Qu'il me relève et me dirige vers la vie, cette vie en abondance qu'a promise Jésus et qu'il a offerte en y payant au passage le prix de sa propre vie, offerte en médiation. Amen c'est vrai ce que je t'ai dit, tu sais ma prière sincère en vérité, amen.

Jésus a dit : Je suis la lumière du monde. Notre vie est comme une maison et le pardon de Dieu est comme son soleil. Le soleil brille, mais nous

devons ouvrir les fenêtres de notre maison pour laisser le soleil éclairer l’intérieur de notre personne.

Pour que Dieu puisse nous visiter en profondeur. Sinon, tant que les volets sont fermés, il ne servirait à rien que le soleil brille au dehors. Que cette lumière brille en vous. Lumière qui donne du relief, rappelle les couleurs oubliées, montre le désordre, révèle la poussière du passé mort.

Ouvrez les volets des différentes pièces de cette « maison de vous-même », pour que ce soleil, se pose sur chaque coin de votre vie, la purifie, et vous conduise à la remettre en ordre. Que le soleil de justice, qui vous a visité d'en-haut, vous conduise dans toute la lumière, qu'il illumine votre vie d'un courage retrouvé, et d'une joie que personne ne pourra vous ravir.


On va lire ensemble un passage d'Evangile où Jésus fait un sondage. Il donne la parole aux gens et on apprend beaucoup sur lui et sur son œuvre de pardon, qu'il confie à ses disciples.


Lecture biblique (Mt 16,13-20)

Jésus, arrivé dans la région de Césarée de Philippe, se mit à demander à ses disciples : « Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? » Ils dirent : Pour les uns, Jean le Baptiseur ; pour d’autres, Elie ; pour d’autres encore, Jérémie, ou l’un des prophètes.

« Et pour vous, leur dit-il, qui suis-je ? » Simon Pierre répondit : « Toi, tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. » Jésus lui dit : « Heureux es-tu, Simon, fils de Jonas ; car ce ne sont pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux ! »

« Moi, je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je construirai mon Eglise, et les portes du séjour des morts ne prévaudront pas contre elle. Je te donnerai les clefs du royaume des cieux : ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux. »

Alors il recommanda aux disciples de ne dire à personne qu’il était le Christ.

Dans ce passage, Jésus nous dit que la portée de nos actes sur terre, aura un retentissement spirituel « aux cieux », c'est-à-dire, aura une dimension éternelle. C'est pourquoi Jésus interroge ses disciples : Qui dit-on que je suis ? Leur décision a une portée infinie.

Essentielle, cette prise de conscience ! Car ils vont être amenés à mettre en œuvre ce pardon comme une délivrance, quelque chose qui délie les gens.

« Qui dit-on que je suis ? » demande Jésus. « On » c’est facile, "on", ce sont « les autres ». Quand « on » est responsable, je ne suis pas concerné ; « on » est rassurant.

On parle de Jésus comme d’une personnalité qui monte. Et pourquoi cette ascension dans les sondages ? Parce que, pour ces gens, Jésus répète le passé. « On » voit en lui un nouvel Elie, un nouveau Jean-Baptiste, Jésus, c’est le retour des « morts vivants ».

Déjà, les hommes aiment le vintage, cherchent à reproduire des modèles, à figer leur foi dans des souvenirs rassurants traditionnels. Jésus a bonne presse, on l’admire, car il surgit comme la réapparition d'hommes disparus.

Mais quand Jésus pose la question directe aux disciples, interpellante, et personnelle à la 2° personne et non plus à la 3° personne trop vague, neutre et générale, les disciples entrent enfin dans leur vocation de témoins : ils apprennent à rendre compte avec précision, douceur et respect, de ce qui les anime au contact du Maître.

Alors pour vous qui est Jésus ? Celui qui vous a pardonné, délié, mis au large, qui vous a redonné un avenir ? Ou bien un simple penseur ou moraliste de génie, parmi beaucoup d’autres ? Est-il le fils de Dieu ou simplement un fils des hommes ? C’est un peu comme si Jésus disait : Ce qu’on pense de moi, je m’en moque pas mal. Ce qui m’importe, c’est ce que toi, tu penses et dis de moi. Et comment cela change ou non ta vie.

Et Pierre répond d'une façon totale, désarmante de franchise, il s'expose en toute candeur, offre le tout de lui-même. Son oui est un abandon, le pari de sa foi. Vous voyez, Pierre est passé de l'intérêt intellectuel, de l'admiration qui s'ensuit, à la foi centrée uniquement sur le Christ, sans forcément mesurer les conséquences de ce qu'il répond.

Et les conséquences, à mon avis, s'exprimeront par le pardon. Comme disait Monod, que le christianisme n'a jamais été (vraiment) essayé, et nos réponses à cette question de Jésus demeurent partielles, prudentes, attentistes parfois. Celui qui a répondu le premier avec fougue : Tu es le Christ, c'est manifestement Pierre. Ceci dit, une femme dans l'Evangile était capable de dire la même chose, sans doute au même moment. C'était Marthe, elle était en deuil de son frère Lazare, et elle a répondu à Jésus : Oui, je crois que tu es le Christ, le fils unique du Dieu vivant. (Jn 11, 27)


Ce qui ne donne donc aucune primauté à Pierre en tant que pape ou en tant qu'homme. Car cette femme vient de comprendre la même chose que lui et toute seule. Elle vient de découvrir la seule clef qui ouvre au règne de Dieu, dans l'histoire humaine. Pierre reçoit donc les clés de ce royaume, Marthe reçoit aussi les clés de ce royaume, il y a un trousseau de clés réservées à chacun. Marthe est remarquable par sa façon toute personnelle d'annoncer Jésus. Avec Pierre, n'en déplaise à Théodore Monod, le christianisme a quand même été essayé. Avec ces deux témoins des origines de l'Eglise. Et il a certainement été essayé par la suite, Dieu est seul juge de cela, quant à sa véritable réalisation. Mais le monde a vite repris le dessus, et garde les yeux sur les échecs de l'Eglise en oubliant souvent ses réussites les plus remarquables. Pierre sait donc avec quelle unique clef on entre dans ce règne régi par l'unique pardon. En annonçant Jésus comme Christ, c'est-à-dire messie, seul Fils du Dieu vivant, il montre à d'autres comment y entrer à leur tour. Il leur donne à chacun une clef pour leur propre découverte spirituelle. Jésus peut désormais bâtir une Eglise avec des serrures ouvertes, avec la clef dans chaque barillet. Ce "pouvoir des clefs", c'est un vrai "pouvoir", il est donné à tous d'en ouvrir les portes.

Il y a 30 ans, Pierre Perret avait déclenché un tollé avec sa chanson: « Ouvrez, ouvrez la cage aux oiseaux, Regardez-les s'envoler c'est beau. Les enfants si vous voyez, Des p'tits oiseaux prisonniers Ouvrez-leur la porte vers la liberté. Trop d'enfants l'avaient suivi, au grand dam des oiseleurs amateurs ou professionnels, qui aimaient plutôt les animaux enfermés.

Avec le Pierre de l'Evangile, et en compagnie de ce chanteur qui porte curieusement le même prénom, « il faut ouvrir la cage au royaume ». Le règne de Dieu se fera dans la non-violence du pardon. Il faut que le christianisme soit, comme disait Jacques Ellul, la religion de la fin de la religion. Une Eglise ouverte avec la clé toujours disponible. Car Jésus n'a pas voulu gérer son Eglise en mettant les gens à la porte d'une cage refermée par des esprits religieux. Ce "pouvoir" inouï qui est offert à tous, c'est celui des clefs du pardon, qui ouvre la « cage aux souvenirs fétides ».


Alors dans l'Evangile, Jésus bâtit son Eglise, la vraie, avec tous ceux qui le confessent comme Celui qui pardonne, qui guérit, qui évangélise les profondeurs. Celui qui délie les mémoires et donc les langues. Or là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté, disait l'apôtre Paul. Et le Saint-Esprit n'est autre que ce souffle qui nous rappelle les paroles de Jésus.

Le pardon des péchés est l'expression première de ce pouvoir des clés qui ne savent qu'ouvrir et mettre au large, renforcer la confiance et l'estime de soi que l'on croyait égarées à jamais. Jésus aura été le coach le plus génial de tous les temps. Celui qui savait libérer, pardonner, insuffler la confiance sur des vies brisées par la brutalité des hommes et femmes de son temps.

Quand on relit ce texte d'Evangile, évidemment, ce qui peut gêner, c'est qu'on parle aussi dans ce passage de « lier », après avoir voulu délier. Non seulement ouvrir, mais aussi fermer ? Comment comprendre alors ce qui semble non-soluble dans cette espérance de mise au large ?

Le verbe "lier" ne veut sans doute pas dire ici "retenir" les péchés, comme si l'Eglise était posée en juge de paix ! Il ne s'agit encore moins de "condamner", comme si l'Eglise était un tribunal autorisé à diffamer, lyncher au besoin, muter en toute insouciance, exiler, tuer la mémoire ou l'honneur. L'Eglise ne peut pas lier, c'est impensable vous ne trouvez pas ? L'Eglise logiquement devrait être une terre de refuge, l'asile pour les fils de Caïn errants dans leur mal-vivre à la recherche d'une terre possible, traqués quant à leur identité ou leur appel véritable.

Non, pour moi, les deux verbes "lier" et "délier", au lieu d'être opposés, sont ici parallèles ; lier, c'est me semble-t-il, lier le pouvoir de Satan. Dans un passage concordant, Luc au chapitre 13 verset 16 nous informe d'une répartie décochée par Jésus à un scribe, un hyper-religieux extrémiste, qui lui reprochait de libérer une femme aliénée pendant un jour de « repos religieux»:


Chacun de vous, le jour du sabbat, disait Jésus, ne détache pas de la crèche son bœuf ou son âne, pour le mener boire ? Et cette femme, qui est une fille d'Abraham, et que Satan tenait liée depuis dix-huit ans, ne fallait-il pas la délivrer de cette chaîne le jour du sabbat ?

Ce dont Jésus parle ici, c'est d'une délivrance, pourrait-on dire, du Satan, c'est-à-dire de cette puissance de division qui nous atteint parfois dans l'intégrité de nous-mêmes; cherchant à détruire notre équilibre. Cette personnification du mal qui voudrait nous faire douter de nous, de notre identité, de la bienveillance de Dieu envers nous. Dans l'Evangile, Satan, c'est l'accusateur.

Et l'Esprit-Saint, c'est l'antidote, le Paraclet, l'avocat.

Jésus n'est pas un régisseur de l'Eglise agissant à la manière « forte », adorant mettre les gens à la porte alors qu'il vient de donner les clefs pour entrer par cette même porte. C'est inconcevable, moi en tous cas, je suis athée de ce dieu-là. Car Jésus a dit :

Je ne mettrai pas dehors celui qui vient à moi (Jn 6, 37). On pourrait traduire littéralement : Je ne rejetterai pas celui qui vient à moi. Dans l'apocalypse, on lit : Je me tiens à la porte et je frappe: quiconque entend ma voix et m'ouvre la porte, je souperai avec lui et lui avec moi. (Apo 21). Dans l'Apocalypse on annonce d'une façon symbolique que Satan sera lié pour 1000 ans. Jésus lie cette puissance de division diabolique : Ce que vous lierez sur la terre sera lié dans les cieux : Il y a une puissance promise dont les effets sont éternels, jusqu'au « ciel ».

Cet appel concerne tous les humains, chacun est appelé à recevoir cette Parole vivante du Christ qui rencontre, pardonne, délivre, ouvre des portes. Celui qui découvre cette grâce la transmet en retour. C’est parce que Pierre a découvert en Jésus la seule clef du royaume, que ce dernier peut lui confier le pouvoir des clefs ; mais ce sont des clefs reproductibles, données à chacun de ceux qui osent s’avancer en avant dans la reconnaissance du Christ.

Nous tous avons le pouvoir des clés, pouvoir de faire s’approcher les gens du Royaume ou de les faire fuir. Nous avons ce pouvoir magnifique de délier, d’accueillir à la même grâce que celle dont nous aussi avons été les bénéficiaires, plus ou moins secrètement. Car on ne donne que ce l'on a reçu, et c'est de l'abondance du cœur que la bouche parle. Jésus nous place en témoins, responsables de ne pas scandaliser un seul de ces « petits » qui croient en lui.

Que savons-nous de ce qui se passe dans le cœur des humains ? Ultimement, chacun est un mystère, Dieu seul connaît la vérité de son cœur.

Le témoin encourage chacun à une prise de conscience puis une expression personnelle de ses fautes ou de son mal-vivre, y compris lorsqu'il n'y a pas de responsabilité particulière dans ce mal-vivre. Délier, c’est aider quelqu’un à cheminer dans cette démarche de sanctification qui passe par la repentance, ce changement de mentalité, qui offre une autre façon de lire son passé et donc son devenir. Sommes-nous de ceux qui délient, ouvrent un chemin vers la grâce ? Ou de ceux qui enferment les gens vers les culpabilités d'une vie antérieure ?

Lier ces puissances du mal, lutter contre le diviseur : Tout ce que vous lierez sur terre sera lié dans les cieux. Délier ces nœuds qui empêchent de vivre : Tout ce que vous délierez sur terre sera délié dans les cieux.

Quel chemin exaltant !



Nous prions : Fais venir ton règne, Seigneur, Maître des puissants, accorde la sagesse à ceux qui nous gouvernent, Que ton conseil illumine leurs cœurs et leurs actes. Toi qui donnes aux artistes d'exprimer le rayonnement de la beauté, Permets que leurs œuvres apportent au monde l'espoir et la joie. Toi qui ne permets pas que nous soyons tentés au-delà de nos forces, Fortifie les faibles, relève ceux qui sont tombés. Toi dont la lumière ne s'éteint jamais, fais lever ta clarté dans nos cœurs; fais-nous retrouver l'estime de soi que nous croyions perdue à jamais, et fortifie en nous l'être intérieur, par le rayonnement de ta présence ; pour que nous soyons enracinés dans l'amour qui surpasse toute connaissance. Toi, le Seigneur de la paix donne-nous ta paix. Amen.